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HISTOIRE DU MONTRÉAL

fort peu à espérer d’ici plusieurs années en ce lieu, elle se serait bientôt détruite si elle avait été intéressée quand elle n’aurait eu que ce seul chagrin d’être obligée de toujours mettre sans espérance de ne rien mettre d’un très-longtemps : de plus, il fallait que la providence divine disposant quelque illustre commandant pour ce lieu, lequel fut homme de cœur, vigoureux, d’expérience, et sans autres intérêts que ceux de l’éternité. Outre cela, il fallait que la même providence choisit une personne pareillement dégagée pour y avoir soin des pauvres, malades et blessés en attendant que le monde se multipliant, elle procura à cette isle l’assistance d’un hôpital pour seconder ou tenir la place de cette personne, sur quoi il est à remarquer qu’il était de besoin que ce fut quelque fille où femme à cause que les personnes de ce sexe sont propres à plusieurs choses qui ne se font pas communément si bien par ceux d’un sexe différent dans un lieu où il n’y en a point. Mais à dire le vrai, il fallait que ce fut une personne toute de grâce pour venir dans ce pays sy éloigné, sy sauvage et sy incommode, et il était nécessaire qu’elle fut extrêmement protégée de la main du Tout-Puissant pour conserver toujours le trésor de sa pureté sans aucun larcin où véritable où faussement présumé, venant parmis les gens de guerre. La providence a miraculeusement opéré toutes ces choses comme nous verrons dans la suite de cette histoire qui nous fera admirer également la sagesse de Dieu et son pouvoir, mais avant de parler de cet illustre commandant et de cette personne choisie pour les malades et blessés, revenons à l’érection de notre sainte compagnie, aussi bien n’oserions nous rien dire présentement de ces deux personnes que le ciel a élues parce que la main de Dieu qui travaille fortement chez elle, veut le faire comme en cachette ; ces deux ouvrages si nécessaires sans que nos associés en aient aucune connaissance jusqu’à l’an prochain afin qu’ils la reçoient alors comme une gratification purement céleste : sur donc voyons naître cette belle association et prendre son origine dans la ville de Laflèche par le moyen d’une relation de la nouvelle France, qui parlait fortement de l’Isle de Montréal comme étant le lieu le plus propre du pays afin d’y établir une mission et recevoir les sauvages, laquelle relation vint heureusement entre les mains de M. de la Doversière, personne de piété éminente qui fut d’abord beaucoup touché en la lisant, et qui le fut encore bien davantage quelque temps après, Dieu luy ayant donné une représentation si naïve de ce lieu qu’il le décrivait à tous d’une façon laquelle ne laissait point de doutes qu’il n’y eut bien de l’extraordinaire là dedans, car les guerres avaient laissé si peu de moyens pour le bien connaître, qu’à peine en pourrait-on donner une grossière idée, mais lui le