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d’autant qu’elle a donné 20,000 livres à M. de la Mongan, lui disant qu’une personne de qualité faisait présent à la compagnie du Montréal de cette somme, pour lui aider à lever du monde pour secourir leur isle sous la conduite de M. de Maison-Neufve ; elle fit ce qu’elle put pour que M. de la Mognon crut que cela venait d’ailleurs, mais enfin nous savons assez la main d’où procédait ce bienfait. Voyez, dit après cela M. de Maison-Neuve à Mlle Mance, une belle ratification de vos 22,000 livres ; l’illustre et charitable fondatrice, Dieu la bénisse à jamais. Voilà ce que j’avais à dire à son sujet ; mais parlons maintenant d’une bonne fille que j’amène, nommée Marguerite Bourgeois, dont la vertu est un trésor qui sera un puissant secours au Montréal ; au reste cette fille est encore un fruit de notre Champagne qui semble vouloir donner à ce lien plus que tous les autres réunis ensemble.

Cette fille est une personne de bon sens, de bon esprit, qui ayant passé jusqu’à 18 ou 20 ans sans vouloir approcher de la congrégation de Troyes, crainte de passer pour bigotte, quelque sollicitation qu’on lui en fit. Dieu lui ayant donné ensuite une forte pensée de voir comme on y lésait, elle y remarqua si bien la solide vertu qu’on pratiquait, qu’elle s’y envola d’une si bonne manière, qu’y marchant à grands pas, elle fut bientôt élevée à la préfecture, où on l’a continué douze ou quinze ans à cause du grand avancement qu’on avait vu sous sa conduite, encore qu’une pareille continuation ne soit jamais faite aux autres. Enfin, cette bonne fille ne se contentant pas de demeurer comme elle était, et voulant être religieuse, elle souhaita d’être carmélite, et son père se résolut de faire tous ses efforts pour la doter, afin de lui donner ce contentement, parce qu’il ne lui pouvait rien refuser. Mais en ce temps une congréganiste qui avait une forte pensée pour le Canada, vint la trouver et lui dit fortement qu’il ne fallait pas qu’elle fut religieuse, mais qu’il fallait aller toutes deux servir Dieu dans la Nouvelle-France. Là-dessus elle la tourna tant et de tous côtés, qu’à la fin elle l’obligea d’en parler à la supérieure de leur congrégation qui étant une bonne religieuse, laquelle avait soin de toutes ses congréganistes externes, dont Marguerite Bourgeois, vulgairement nommée la sœur Marguerite, était préfette, car Dieu permit que cette supérieure fut la propre sœur de M. de Maison-Neufve auquel elle dit tout ce qui se passait dans l’esprit de sa préfette. M. de Maison-Neufve ne l’eut pas plus tôt su qu’il désira de la connaître, il ne l’eut pas plus tôt connue qu’il souhaita de ne pas perdre un aussi illustre trésor, il fit tout ce qu’il put pour le conserver. Enfin, elle résolut de passer et de venir cette présente année avec tout ce monde que M. de Maison-Neufve amenait, où elle n’a pas reçu