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“ Comme vous m’avez confié le nom de cette sainte Dame, me voyant en France, fort embarrassé par le présent désir de secourir ce pays dans l’extrémité, où les Iroquois l’ont réduit, j’avais bien envie de lui parler et lui faire connaître les choses sans faire semblant de rien, car comme vous m’aviez dit que de la manifester c’était tout perdre, je ne l’eusse pas voulu faire, mais comme aussi vous m’aviez dit, beaucoup de fois, que si vous l’eussiez pu entretenir là-dessus à cœur ouvert que cette âme généreuse y aurait apporté du remède, cela me donnait envie de la voir ; or étant dans ces souhaits, Dieu me fit naître une belle occasion parle moyen d’une de mes sœurs qui avait procès contre elle, ce que sachant, je m’offris de lui donner la main pour aller chez elle et comme je savais qu’elle n’ignorait pas mon nom à cause du gouvernement du Montréal, je me fis nommer à la porte afin que cela lui renouvela la mémoire : elle eut lieu de m’interroger et moi de l’entretenir. Dieu donna bénédiction à ma ruse, car l’ayant saluée, et ma sœur lui ayant parlé de ses affaires, elle s’enquit de moi, si j’étais le gouverneur du Montréal, qu’on disait être dans la Nouvelle-France, je lui répondis que oui, que j’en étais venu depuis peu ; qui est, me dit-elle, de ce pays, dites le nous, et nous apprenez des nouvelles de ce pays-là, comme on y fait, comme on y vit, et quelles sont les personnes qui y sont, car je suis curieuse de savoir tout ce qui se passe dans les pays étrangers. Madame, lui dis-je, je suis venu chercher du secours pour tâcher de délivrer ce pays des dernières calamités où les guerres des Iroquois l’ont réduit, je suis venu tenter si je pourrais trouver le moyen de le tirer de misère ; l’aveuglement est grand parmi ces sauvages qui y sont, néanmoins on ne laisse pas toujours d’en gagner quelques uns ; au reste ce pays est grand, et le Montréal est une île fort avancée dans les terres, très-propre pour en être la frontière, car nous sera une chose bien fâcheuse s’il nous faut abandonner des contrées aussi étendues sans qu’il n’y reste personne pour annoncer les louanges de celui qui en est le Créateur ; au reste, cette terre est un lieu de bénédictions pour tous ceux qui y viennent, car cette solitude jointe aux périls de la mort où la guerre nous mot à tout moment, fait que les plus grands pécheurs et pécheresses y vivent avec édification et exemple ; cependant, s’il faut que tout cela s’abandonne, je ne sais pas ce qu’il deviendra. Ce qui me fait le plus de peine, est une bonne fille qu’on appelle Mlle Mance, car si je n’amène un puissant secours, je ne puis me décidera retourner, d’autant que cela serait inutile, et si je ne m’en retourne pas, je ne sais ce qu’elle deviendra ; de plus, je ne sais ce que deviendra une certaine fondation qu’une bonne dame qu’on ne