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assez surprenante de les voir venir en cet équipage en ce temps là d’autant qu’il était le 10 décembre, cela fit douter longtemps que ce fut des hommes et on s’en put convaincre que lorsqu’on les vit de fort près ; au reste ces hommes étaient les plus malingres si nous regardons leur constitution, même deux de ces dix étaient encore enfants, lesquels à la vérité sont devenus de fort bons habitants dont l’un s’appelle St. Auge (Onge ?) et l’autre se nommait la Chapelle. Ces pauvres soldats ne furent pas plus tôt ici qu’on tâcha de les réchauffer le mieux qu’on put en leur faisant faire bonne chère et en leur donnant de bons habits, et ensuite on s’en servit comme des gens à repousser les Iroquois que nous avions tous les jours sur les bras ; aussitôt que l’été fut venu, Mlle  Mance désireuse de savoir des nouvelles de M. de Maison-Neufve qui était toute l’espérance de ce lieu, pria M. Clos[1] major de cette place, de la vouloir escortée jusqu’aux Trois-Rivières afin de lui faciliter le voyage de Quebec M. Clos en ayant obtenu la permission et ayant descendu avec elle aux Trois-Rivières où ils demeurèrent quelques jours en l’attente d’une commodité pour Québec. Voici que des sauvages arrivèrent du Montréal qui disent que les Iroquois y étaient plus méchants et plus terribles que jamais, que depuis leur départ on était si épouvanté que les Français ne savaient que devenir. M. le Major entendant ce discours, laissa Mlle  Mance attendre le départ de feu M. Duplessis qui devait se rendre à Kébecq, et remonta au plus vite au Montréal, où tout le monde y fut encouragé par son retour. À son arrivée il y fut récréé et affligé en même temps par une histoire bien surprenante ; voici le fait : une femme de vertu qu’on nomme présentement la bonne femme Primot fut attaquée à deux portées de fusil du château. D’abord que cette femme fut assaillie elle fit un cri de force ; à ce cri, trois embuscades d’Iroquois se levèrent et se firent paraître et trois de ces barbares se jetèrent sur elle afin de la tuer à coups de haches, ce que cette femme voyant, elle se mit à se défendre comme une lionne, encore qu’elle n’eut que ses pieds et ses mains, au trois ou quatrième coup de hache, ils la jetèrent bas comme morte et alors un de ces Iroquois se jeta sur elle afin de lui lever la chevelure, et de s’enfuir avec cette marque de son ignomineux trophée, mais notre amazone se sentant ainsi saisie, tout d’un coup reprit ses sens, se leva et plus furieuse que jamais elle saisit ce cruel avec tant de violence par un endroit que la pudeur nous défend de nommer, qu’à peine se

  1. Lambert Glosse.—Il était venu en 1641 avec M. de Maison-Neufve et commandait en second la garnison ; il était d’une famille noble, les écrits du temps l’appellent indifféremment sergent major de la garnison, major de la garnison, major de ce lieu ou du fort ou de la ville, ou enfin du Montréal.