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qu’ils remportaient dans le pays des Hurons qu’ils ont depuis complètement détruits, ce fut un coup du ciel que le retour de M. de Maison-Neufve, car l’effroi était si grand dans toute l’étendue du Canada qu’il eut gelé les cœurs par l’effet de la crainte, surtout dans un poste aussi avancé qu’était celui de Montréal, s’il n’eut été réchauffé par la confiance qu’un chacun avait en lui ; il assurait toujours les siens dans les accidents de la guerre et il imprimait de la crainte à nos ennemis au milieu de leurs victoires, ce qui était bien merveilleux dans un petit poste comme celui-ci ; les Hurons quoique en grand nombre étaient quand à eux épouvantés par les tourmens, se rendaient tous aux Iroquois, ceux qui en étaient pris, tenaient à grande faveur qu’il leur fut permis d’entrer dans leur parti afin d’éviter une mort cruelle quand même ils auraient sortir à mi-rotis du milieu des supplices. Chacun qui leur avait promis fidélité quoique par force, n’eut osé violé cette parole infidèle à cette nation, appréhendant d’être attaqués une deuxième fois. Enfin nos ennemis se grossissaient tellement de jour à autre qu’il fallait être aussi intrépide que nos Montréalistes pour vouloir conserver ce lieu. Tantôt les ennemis venaient par ruse afin de nous surprendre dans un pourparler spécieux, tantôt ils venaient se cacher dans des embuscades où ils passaient sans broncher des journées entières, chacun derrière sa souche, afin de faire quelque coup ; enfin un pauvre homme à dix pas de sa porte n’était point en assurance, il n’y avait morceau de bois qui ne pouvait être pris pour l’ombre ou la cache d’un ennemi ; c’est une chose admirable comment Dieu conservait ces pauvres gens, il ne faut pas s’étonner si M. de Montmagny empêchait tout le monde de monter ici pour s’y établir, disant qu’il n’y avait point d’apparence que ce lieu put subsister, car humainement parlant cela ne se pouvait pas si Dieu eut été de la partie, qu’il en soit loué à jamais, et que Dieu veuille bien bénir son ouvrage, il n’appartient qu’à lui, on le voit assez par la grâce qu’il a faite de soutenir jusqu’à présent au milieu de tant d’ennemis, de bourrasques, un poste, et malgré les inventions différentes dont on s’est servi pour le détruire. Le printemps venu, en plusieurs tentatives que firent les Iroquois il faut que je raconte deux trahisons qu’ils tramèrent sans aucune réussite, afin de faire connaître les gens auxquels nous avons affaire. Plusieurs Iroquois s’étaient présentés sous les apparences d’un pourparler, feu M. de Normentville et M. Lemoine s’avancèrent un peu vers eux et incontinent trois des leurs se détachèrent afin de leur venir parler ; M. de Normentville voyant ces hommes s’approcher sans armes pour marque de confiance et pour donner le même témoignage, il s’en alla aussi de son côté vers le gros des