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qu’on espérait de grands effets cette année là de la part de la compagnie du Montréal, laquelle avait fait de la dépense considérable ; ce qu’il ne pont dire qu’en général ; outre cela, il dit qu’un gentil-homme de Champagne nommé M. d’Aillebout venait ici avec sa sœur et la sœur de sa femme ; de plus, il apprit qu’on avait fait une fondation pour un hôpital au Montréal, mais que pour avoir le détail du tout, il fallait patienter jusqu’au mois de septembre que M. d’Aillebout arriva ; ce qu’il ne fit pas sans de grandes difficultés, car encore qu’il partit, il fallait l’aller quérir dans sa barque à cause des embûches, et lui n’osait non plus approcher pour le même sujet : il fallut que M. de Maison-Neufve y alla lui-même, encore eurent ils bien peur des ennemis en revenant, tant il est vrai que hors le seuil de sa porte on était pas en assurance. Pour lors M. d’Aillebout étant à terre et un peu rafraîchi, il commença à communiquer ses nouvelles, entre autres, il apprit que notre illustre associée faisait des merveilles, que pour être inconnue elle ne laissait pas de bien faire parler d’elles, — que cette année même elle avait fait une fondation de trois mille livres de rente pour un hôpital en ce lieu, — que outre cela, elle avait donné douze mille livres, tant pour le bâtir que pour le fournir de meubles, — de plus elle envoyait deux mille livres à Mlle Mance pour les employer à sa dévotion, qu’elle faisait secrètement ses libéralités entre les mains de la compagnie du Montréal sans dire son nom et sans qu’on pût savoir qui elle était. Il dit ensuite et fit voir par effets que chacun des associés avait taché de se saigner charitablement et généreusement pour la réussite de ce nouvel ouvrage qui était déjà le théâtre des guerres de ce pays ; que si ce lieu était affligé des incursions Iroquoises, à mesure aussi il était consolé de la conversion de plusieurs autres sauvages, qui se jettant ici comme dans un asile avaient recours au baptême afin de se préparer à la mort qui les attendait comme infaillible dans la multitude des sorties qu’ils étaient obligés de faire pour aller chercher des vivres. Il est bien vrai qu’ils y allaient le plus rarement qu’ils pouvaient, mais enfin, ils étaient trop pour qu’on pût subvenir entièrement à leur nourriture, c’est pourquoi il fallait souvent sortir. Dès le commencement de cette habitation, on avait bien semé quelque peu de pois et de blé d’inde et on continuait fort cette agriculture tous les ans, mais cela n’était rien à tant de gens, ils consommaient outre cela beaucoup de vivres qui venaient de la France, encore cela n’était-il pas suffisant ; il est difficile d’exprimer la tendresse que M. de Maison-Neufve avait pour ces pauvres malheureux, les libéralités qu’il leur fit, et combien le tout coûta à la compagnie pendant cette première année que les choses étaient si chères ; mais enfin sa