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qui au ciel tiendra un des premiers rangs dans cet ouvrage et avec d’autant plus de raison que n’ayant pas voulu être connue dans les biens qu’elle a faite elle en a laissé toute la gloire à son Dieu, elle a voulu être des premières de la compagnie quant aux distributions, mais quant au nom, il n’en fallait pas parler ; elle lui adversait son bien, l’en suppliait d’en avoir l’économie et le soin, mais pour savoir comment s’appelait cette main libérale, il n’y avait pas d’apparence ; pour s’unir à la compagnie afin de faire ici une dépense de cinquante ou soixante mille écus, tant dans un hôpital qu’autre chose, ou la pouvait rencontrer, mais quant à la connaître, c’était impossible, on ne pouvait savoir la main d’où sortaient ces larges aumônes et charitables profusions, et si ceux par qui elle les donnait avait autant apprendé son tombeau qu’ils ont craint de la développer pendant son vivant, nous serions aujourd’hui en la même difficulté de la connaître ; que si sa mort leur a donné la liberté de nous apprendre ses merveilles, nous prendrons celle de la prôner ; ce que nous ferons néanmoins avec une telle vénération à ses ordres, que nous ne la nommerons que notre illustre associée, où notre charitable inconnue, ou bien la pieuse fondatrice du Montréal ; ainsi nous taisons son nom puisqu’elle l’a voulu, mais en le taisant, nous satisfaisons au public en le faisant connaître par ses trois belles qualités qu’elle mérite très justement, ainsi que les années suivantes nous le prouveront fort bien.


Depuis le départ des vaisseaux du Canada pour la France dans l’automne de l’année 1642 jusqu’à leur départ du même lieu pour la France dans l’automne de l’année 1643.


La providence ayant pourvu M. de Maison-Neufve de forts bons ouvriers et l’ayant tenu caché aux ennemis pendant les premiers temps, il faisait travailler avec une telle diligence qu’on s’étonnait tous les jours de ce qu’on voyait fait de nouveau. Enfin le 19 mars, jour de St. Joseph, patron général du pays, la charpente du principal bâtiment étant levée, on mit le canon dessus, afin d’honorer la fête au bruit de l’artillerie, ce qui se lit avec bien de la joie ; chacun espérant de voir par après bientôt tous les logements préparés, et en effet de jours en jours on quittait les méchantes cabanes que l’on avait faites pour entrer dans des maisons fort commodes que l’on achevait incessamment. Quant aux Iroquois, on en voyait aucun pendant ce temps là ; il est vrai qu’un petit parti des leurs nous découvrit à la fin, mais ce fut par un hasard et encore nous n’en sûmes rien ; ce qui arriva de la sorte, dix