Page:Dollier de Casson - Histoire du Montréal, 1640-1672, 1871.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que tout était disposé, voulut participer à ce premier établissement en l’honneur de sa présence, c’est pourquoi il monta dans une bargue et conduisit lui-même toute cette flotte au Montréal où on mouilla le 18 mai de la présente année ; ce même jour on arriva de grand matin, on célébra la première messe qui ait jamais été dite dans cette Isle, ce qui se fit dans le lieu où depuis on a fait le château, afin de faire la base plus célèbre, on donna le loisir à Mme de la Pelletrie et à Mlle. Mance d’y préparer un autel, ce qu’ils firent avec une joie difficile à exprimer et avec la plus grande propreté qu’il leur fut possible, elles ne se pouvait passer de bénir le ciel qui en ce jour leur était si favorable que de les choisir et de consacrer leurs mains à l’élévation du premier autel de la colonie ; tout le premier jour on tint le St. Sacrement exposé, et ce ne fut pas sans raison, car si Dieu n’avait mis ses fidèles serviteurs à cette entreprise qu’afin de le faire reconnaître en ce lieu où jusqu’alors il n’avait reçu aucun hommage, il était bien juste qu’il se fit tenir, la première journée, exposé sur son autel comme sur son trône, afin de remplir ses saintes vues et désirs de ses serviteurs ; en effet cela était bon afin de faire connaître à la postérité qu’il n’avait établi cette colonie que pour recevoir des sacrifices et des hommages en ce lieu, que c’était son unique dessein et celui de ses serviteurs ; qu’ils avaient employé tout exprès, leur bourse, leur soin et tout leur crédit. Il était juste qu’il se fit aussi tenir ce premier jour exposé pour prendre possession de cette terre par les honneurs souverains qui lui furent rendus et afin de faire voire que ce lieu était un lieu de réserve pour lui, qu’il ne voulait pas qu’il fut profané des âmes ravalées et indignes de la grandeur de ses desseins, lesquels n’étaient pas communs comme le fit bien voir le R. Père Vimond dans la prédication qu’il fit ce matin là pendant la grande messe qu’il y célébra : "Voyez-vous, messieurs, dit-il, ce que vous voyez n’est qu’un grain de moutarde, mais il est jeté par des mains si pieuses animées de l’esprit de la foi et de la religion que sans doute il faut que le ciele est de grands desseins puisqu’il se sert de tels ouvriers, et je ne fais aucun doute que ce petit grain ne produise un grand arbre, ne fasse un jour des merveilles, ne soit multiplié et ne s’étende de toutes parts :” comme s’il eut voulu dire, le ciele ne commence son ouvrage présentement que par une quarantaine d’hommes, mais sachez qu’il a bien d’autres desseins vers les personnes qu’il emploie pour le faire réussire, sachez que vos cœurs ne sont pas suffisants pour annoncer ici les louanges qu’il y prétend recevoir, mais qu’il les multipliera, remplissant de peuples toute l’étendue de ces lieux dont maintenant nous prenons possession de sa part en lui offrant ce sacrifice. Toute cette journée