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au Montréal, afin de le mettre en possession et de reconnaître le poste avec lui. En effet ils partirent tous les deux au commencement d’octobre et arrivèrent au Montréal le quatorzième du même mois, dans le lieu où est maintenant cette maison qu’on appelle le Château. Le lendemain, qui est le jour de la Ste . Thérèse, ils firent les cérémonies de la prise de la possession, au nom de la compagnie du Montréal ; ayant parachevé cet acte, ils s’embarquèrent pour leur retour qui ne fut pas sans des marques toutes particulières de la bienveillance de notre seigneur ; car ayant descendu jusqu’à Ste. Foy, à une journée de Québec,[1] on demeurait un honnête homme nommé M. de Pizeanx, lequel était âgé de 75 ans ; ce bon vieillard tout zélé pour le pays dans lequel il avait fait de bien fortes dépenses interrogea monsieur de Maison-Neufve fort au long, touchant les desseins qu’on avait pour le Montréal, de quoi étant pleinement instruit, il demeura si satisfait qu’il le pressa fortement de le vouloir associer à sa compagnie pour cette entreprise, en faveur de laquelle il protesta devoir consacrer lui-même et donner sur l’heure sa maison de Ste. Foy avec celle de Puizeaux qui était près de Kébecq ; et généralement tout ce qu’il avait de meubles et de bestiaux ; qu’à Ste. Foy durant l’hiver, comme ce lieu est abondant en chênes, on y ferait des barques pendant qu’à Puizeaux on y ferait de la menuiserie et tout ce qui serait nécessaire et que le printemps étant venu, ou mettrait toutes choses dans les bâtiments qu’on avait fait pour monter au Montréal, afin de s’y établir ; monsieur de Maison-Neufve qui ne savait où mettre tout son monde hiverner, ni ce à quoi il le pourrait employer jusqu’à la navigation suivante, écoutait ce discours comme si c’eût été une voix céleste ; il ne se pouvait passer d’en louer mille fois son Dieu au plus intime de son cœur, il ne se lassait point d’admirer la facilité de cet homme lequel en ce moment se trouvait disposé à quitter ce qui lui avait tant coûté, non-seulement de travail, mais en son propre bien, étant vrai ce qu’il offrait lui avait coulé plus de 100,000 livres de dépenses. Néanmoins, comme M. de Maison-Neufve voulait entièrement déférer à la compagnie du Montréal, il lui dit qu’il avait un sensible regret de ne pouvoir accepter absolument une offre aussi généreuse que la sienne, sans voir l’agrément de ceux dont il avait l’honneur de Ire associé, que cependant comme ils pouvaient s’en promettre que toutes sortes de satisfaction, il le recevrait volontiers s’il l’avait pour agréable,

  1. M. Dollier appelant lui-même Ste. Foy (et cela de 1672)la mission Huronne établie au lieu susdit par les Jésuites en 1668 sous le nom de N. D. de Foy, fait savoir que les colons Français, dès l’origine de cette mission, étaient dans l’habitude de l’appeler Ste . Foy et non N. D. de Foy.