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ABRÉGÉ DE LA MISSION DE KENTÉ.

touché que je ne pouvais lui porter aucun secours, car nous étions pour le moins aussi dépourvus qu’eux, je lui demandai si ses enfants étaient en bonne santé, le mari répondit qu’un des deux mourrait bientôt, la femme les démaillota tous deux devant moi, et je vis qu’ils étaient à demi gelés et par dessus cela, il y en avait un qui avait la fièvre et était moribond. Je pris de là occasion de leur parler de notre religion en leur disant « que j’étais bien fâché que ces deux enfants allassent mourir sans être baptisés et qu’ils n’iraient jamais au ciel sans cela ; » après quoi je leur expliquai ces choses plus en détail jusqu’à ce que le mari m’interrompant me dit : « Courage, baptise les tous deux, mon frère, cela est fâcheux de point aller au ciel. » Ce consentement donné je les baptisai tous deux et peu après bon nombre de ces nouveaux chrétiens alla jouir de la gloire ce même hiver, qui fut en 1670 ; depuis cela, il arriva à M. Durfé une chose qui lui pensa être funeste et que je veux remarquer : après avoir dit la sainte Messe, il alla faire son action de grâce dans le bois, mais il s’y enfonça si avant qu’il s’y égara et ne pouvait revenir, il passa le jour et la nuit à chercher son chemin sans le pouvoir trouver et après enfin il fut obligé de se reposer ce qu’il fit dans une attrape à loup qu’un sauvage avait fait, il y avait déjà quelque temps ; le lendemain au milieu de la sollicitude où le mettait son égarement, il eut recours à feu M. Ollier auquel s’étant recommandé, il poursuivit de marcher et alors il alla droit au village, pour cela, il croyait devoir beaucoup à sa protection ; pendant son absence, les sauvages avaient couru de toutes parts pour le chercher, étant de retour, ils firent un festin pour remercier l’Esprit de ce qu’il n’était pas mort dans le bois, il dit que pendant sa marche, il s’était substanté de ces méchants champignons qui viennent autour du pied des arbres et il assura qu’il les trouva fort bons, tant il est vrai que l’appétit donne bon goût aux choses qui sont les plus mauvaises. En 1671, le même missionnaire pensa périr dans une autre disgrâce qui fut que venant au Montréal son canot tourna sous voile d’un gros vent-arrière, au milieu du fleuve, mais quasi par bonheur encore qu’il ne sut point nager, Dieu le préserva d’autant qu’il le tint si bien au canot qu’on eut loisir de le secourir encore qu’on fut loin de lui. Cette dernière année, M. d’Urfé ayant fait séjour à un village de notre mission nommé Ganeraské, il prit la résolution d’aller visiter quelques sauvages établis à cinq lieues de là, pour voir s’il n’y aurait pas quelque chose à faire pour la religion. Le lendemain de son arrivée, une pauvre Iroquoise se trouva en mal d’enfant, or comme ces pauvres sauvagesses sont extrêmement honteuses quand elles sont dans cet état lorsqu’il y a des étrangers, cette