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ABRÉGÉ DE LA MISSION DE KENTÉ.

nous sommes en grand nombre ! Alors il nous dit : « Fais comme tu voudras, tu es le maître. » Nous assignâmes donc le jour que nous devions conférer ce grand sacrement où plusieurs adultes se trouvèrent et nous baptisâmes environ 50 petits enfants dont la fille du Roharia, qui est une qui fut la première et s’appela Marie, mettant ainsi nos premiers sous la protection de la Sainte Vierge ; ce qui est à remarquer c’est que n’étant mort aucun de ces 50 premiers baptisés, ils n’ont plus eu de peine contre le saint Baptême, encore qu’il soit mort depuis plusieurs autres enfants après le saint Baptême. Le printemps en 1669 M. de Fénélon étant descendu au Montréal pour la consultation des difficultés qu’il eut dans le voyage, où il traîna lui-même son canot tant qu’en montant qu’en descendant au milieu des plus furieux rapides, il baptisa un enfant qui mourut tout après ce qui le réjouit beaucoup au milieu de ses peines qui sont si grandes qu’on ne serait pas cru si on osait les rapporter, puisque en quantité d’endroits et très souvent l’on monte des eaux plus impétueuses que la descente d’un moulin, y étant parfois jusque sous les esselles, marchant nu-pieds sur des pierres fort coupantes dont la plupart de ces eaux sont parées. M. de Fénélon, revenant du Montréal, emmena avec lui un autre missionnaire qui fut M. d’Urfé ensuite étant arrivé, il s’en alla hiverner dans le village de Gandatsetiagon, peuplé de Sinnontouans détachés, lesquels étaient venus à la côte du Nord dont nous avons le soin ; ces gens nous ayant demandés pour les aller instruire furent ravis quand on leur accorda cette grâce sitôt après l’avoir demandée, quant à nous, ayant été obligés d’aller avec les sauvages dans les bois pour nous tirer de la nécessité des vivres dans laquelle nous étions à cause que notre établissement était nouveau, je tombai par une providence singulière dans le chemin de quelques sauvages qui étaient passés il y a déjà un peu de temps, mais nous fumes un soir surpris, nous voyant arrivé dans un lieu où il y avait de la fumée, c’étaient les mêmes sauvages sur la piste desquels nous marchions parmi les neiges ; approchant de plus près, nous vîmes quelques branches d’arbre de… desquelles sortait un peu de fumée ; c’était une pauvre Iroquoise laquelle avait accouché de deux enfants lesquels étaient cachés sous ce méchant cabannage avec quelques autres ; alors son mari en s’éveillant me dit : « Viens voir, robe noire, elle a accouché de trois enfants. » Ces pauvres gens étaient réduits dans la dernière nécessité, car ils n’avaient aucunes vivres et ils ne subsistaient que par le moyen de quelques porcs-épics qu’ils tuaient et qu’ils mangeaient, tout n’était pas capable de rassassier deux quoiqu’ils fussent plus de neuf ou dix. Voyant cette pauvre femme, j’en fus d’autant plus