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de l’automne 1665 jusqu’à l’automne 1666 au départ des vaisseaux du Canada.


Encore que le Montréal eut été cette année notablement fortifié de monde pour l’arrivée des troupes où il y avait de braves soldats et de dignes officiers, toutefois, comme ils voulaient qu’on suivit la manière dont on se sert dans l’Europe pour se défendre, laquelle est très-désavantageuse pour ce pays, aux expériences duquel ils ajoutaient trop peu de foi : cela fit que les ennemis ne laissaient pas de nous tuer du monde tout comme auparavant, même ils nous en auraient tué davantage dans ces commencements si la multitude des gens ne leur eut fait peur et s’ils ne les fussent point aller chercher chez eux pour les combattre, ce qui les intimida ; en quoi on a beaucoup d’obligation à M. de Courcelle, gouverneur de ce pays, car il a pris des peines incroyables et risqué beaucoup sa vie nommément cet hiver parceque jugeant qu’il était très-important de donner aux Iroquois une juste idée de nous, il se résolut à aller chez eux aussitôt que les glaces seront bonnes :[1] on ne saurait exprimer l’excès de peines qu’il eut à ce voyage pour le peu d’expérience qu’avaient nos Français, ce que je décrirai plus au long sans que ce soit m’étendre plus loin que je ne me suis prescrit dans cette histoire, à laquelle je puis seulement ajouter que M. de Courcelle avait 70 Montréalistes en cette expédition, sous le commandement de M. Lemoine, et que M. le Gouverneur les sachant les mieux aguéris, il leur fit l’honneur de leur donner la tête en allant et la queue au retour ; y en ayant peu d’autres auxquels il eut pu leur confier ces marches honorables et périlleuses parmi ces bois dont nos troupes avaient si peu d’instruction en ce temps-là ; aussi M. le Gouverneur se reposait beaucoup sur eux tous et leur témoignait une confiance particulière et les caressait grandement, il les appelait ses capots bleus, comme s’il les eut voulu nommer “Les enfants de sa droite ; ” que si tout son monde eut été de pareille trempe, il eut été en état d’entreprendre davantage qu’il ne pût pas : au reste, pour cette occasion et pour toutes les autres, M. le Gouverneur a trouvé toujours le peuple de ce lieu plus prompt à marcher qu’aucun autre, ce qui a fait qu’il a toujours uniquement eu une affection toute particulière pour le Montréal ; ce qu’avant été trouvé à redire par une personne, il lui répondit : « — Que voulez-vous, je n’ai mieux trouvé de gens qui m’aient servi

  1. Cette expédition eut lieu le 9 janvier 1666 (que M. de Courcelle quitta Québec) au 19 mars suivant qu’il y entra avec ses troupes (Journal des Jésuites M. S.)