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et que nous dirons à notre vieux père : Tenez, père, plus de peines pour vous, vous n’irez plus vous fatiguer à un travail au-dessus de vos forces, voilà de quoi vous faire vivre heureux ; et le pauvre père, rira, pleurera de joie ! Hein ! Lucas ?

Lucas

Et nous, nous serons fiers, dimanche prochain, quand tous les garçons du village nous verront et qu’ils entendront dire : Tiens, vois-tu ? les vlà ? Bastien, Lucas, ce sont eux qui ont tué l’ours, c’est brave, ça ? Hein ?… à propos, sais-tu que pas plus tard qu’avant hier, on parlait de l’jours à la veillée chez la mère Mathieu ; vlà que j’dis : « Ma foi, j’crois bien que j’pourrais tuer l’ours aussi bien qu’un autre ; » l’grand Blaisot s’met à rire et à m’regarder de travers en disant aux autres : « A-t-on jamais vu un gamin pareil ?… Morveux, va !…comprends-tu ? Bastien, hein ? m’appeler morveux ?

Bastien (frappant du pied)

Ah ! morbleu ! Il t’a appelé morveux ! Ah ! si j’avais été là j’lui aurais fait voir à ce grand rougeau, qu’cest pas du sang de carotte qui coule dans nos veines !

Lucas

Sois tranquille, après notre chasse, je l’retrouverai et je saurai quoi lui dire ; en attendant je me moque de lui comme du Roi de Prusse.

Bastien

Bravo ! Lucas, tu as raison !… mais dis-moi, ton fusil est-il bien en ordre ? est-il chargé ?

Lucas

Oh ! oui, je t’en réponds, rien n’y manque et il est chargé d’une solide manière ; il y a dedans une prune que Mr. l’ours aura d’la peine à digérer.

Bastien

Ah ! pardi, frère, je t’en livre autant ; car (en montrant son fusil) mon camarade possède trois belles cerises que compère l’ours ne trouvera pas trop sucrées !