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Jocrisse (joyeusement)

Moi ! triste, chagrin ! Oh ! Laflûte, tu n’y es pas, je suis d’une gaieté folle ! Tiens, j’peux sauter comme un cabri !… Moi ! triste ! Que tu es encore niais, mon pauvre Laflûte.

Laflûte (interdit)

Mais vous allez presque pleurer ?

Jocrisse

J’avais bien plutôt envie de rire ! Ah ! ah ! ah ! ah ! Tu ne sais pas ce qu’il y a dans cette cervelle, va !… Il y en a des idées, et des idées tumultueuses, ça s’croisent en tous sens j’te dis qu’mon horizon s’est éclairci ; on est plus au temps du père Griffard ? Tu te rappelles ce vieux bailli que j’ai si bien joué, mais ça, ce n’était rien qu’une petite comédie ; mais aujourd’hui, Laflûte, c’est en grand, ce sera émouvant, étourdissant, une chose… niais une chose… à rendre poussif à force de rire !… Ah ! Laflûte, si comme moi, depuis un an, tu avais lu, parcouru tous les volumes qui m’ont développé l’intellectualité des idées, oui, si tu avais lu : le parfait cuisinier Jean de Calais, les prédictions de Nostradamus, la vie du juif errant et autres auteurs, si tu avais suivi comme moi : les faits divers des feuilles publiques et générales ! Oh ! alors, tu en aurais aussi des idées ! Mais, pauvre adolescent, tu ne sais pas même faire la différence de l’A et du B, c’est pourquoi tu restes dans cette innocence qui dégénère en bêtise… mais je ne t’en veux pour cela, je t’aime comme mon parent et je veux que mes idées te soient profitables comme à moi.

Laflûte

Mais où diable, voulez-vous en venir, mon cousin, car vous m’embrouillez tout mon individu ?

Jocrisse

Écoute Laflûte, M. Plumet ne veut pas nous admettre à sa table, n’est-ce pas ?