Page:Doin - Le conscrit ou le Retour de Crimée, 1878.djvu/7

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 7 —

Lefuté.

Ah ! d’abord, moi, je réponds de Robert.

Julien.

— Oui, car, comme je le connais, j’crois que les Russes ne lui feront pas peur.

Lavaleur.

Et aussi, comment voulez-vous que l’on ait peur sur le champ de bataille quand vous voyez nos généraux s’exposer eux-mêmes au feu de l’ennemi pour encourager nos soldats ?… Et surtout, quand on voit nos aumôniers, parler à nos braves de cette belle religion dont ils sont si fiers !… Oui, mes amis, il n’est rien de si grand, de si touchant en voyant ces braves et bons prêtres parcourir le champ de bataille, encourager celui-ci, employant les termes de soldat avec celui-là !… Ils sont toujours là près de vous comme une sentinelle avancée ; on les écoute avec plaisir !… Ah ! dame ! c’est qu’aussi tous nos soldats portent la médaille de Marie, et avec elle ils se croient invulnérables devant les balles ennemies !

Lefuté (avec feu).

Bravo ! sergent, touchez là, j’aime à vous entendre parler ainsi de notre brave clergé et de notre belle religion !… car, malheureusement, dans le métier des armes on ne trouve que trop d’incrédules… Mais espérons et croyons que la France, notre belle France sera toujours victorieuse !

Lavaleur.

Ah ! mon brave, c’est le vœu de tous les bons Français… mais, moi qui vous parle, j’aime bien la France, n’est-ce pas ? Eh bien ! j’ai quelquefois des craintes pour l’avenir, et pourquoi ?… Je vais vous le dire, dussiez-vous vous moquer du vieux soldat… En 1846, on m’a dit qu’une prédiction avait été faite par une sainte et pieuse personne, que la France était menacée d’une grande guerre qui la ruinerait, qui l’humilierait, en un mot, que notre belle patrie serait envahie par une nation étrangère et que cette nation serait la Prusse !… Eh bien ! mes amis, si cela devait arriver, ce serait la