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(Après une seconde). J’accepte, M. Lefuté, je pars à la place de Criquet, j’ai foi en vos paroles… et demain… oh ! demain… quand ma pauvre mère vous demandera son fils !… oh ! consolez-la… et dites-lui que son Julien reviendra.

Lefuté.

Tu peux compter sur moi, je te le jure !

Robert (il s’avance, prend et serre la main de Julien et d’un ton attendri) :

Bien ! bien ! Julien, j’ai tout entendu, tu es un bon fils ! Dieu te conservera à ta mère ! Car Dieu aime et bénit les bons enfants ! (À Criquet) Allons, Criquet, réveille-toi, mauvais conscrit, tu ne pars pas ?

Criquet (tout abasourdi).

Hein ! Hein ?… Quoi ?… Qui ?… C’est y vrai ? oh ! prends garde, Robert, tu vas me faire tomber en faillance.

Julien (triste).

C’est la vérité, Criquet, tu restes au pays et je pars à ta place… Regarde-moi… vois mes pleurs, je ne cherche pas même à les retenir.

Criquet.

Oh ! mais ! oh ! mais… c’est donc comme un miracle !… Dieu de Dieu… v’là mon poids de d’ssus mon estomac qui commence à s’en aller !… Hein ? n’est-ce pas, Julien, qu’ça fait mal de partir ?… Ah ! ça, parrain, comment diable qu’ça s’est donc manigancé ?

Lefuté (brusquement).

Laisse-moi tranquille, ça ne te regarde pas… avec, tes pleurnicheries, tu me tires les deux yeux de la tête.

Criquet.

Ah ben !… ah ben ! j’y comprends plus rien… À propos, tiens, mon p’tit Julien, puisque tu pars à ma place, j’vas te donner mon sac, tu trouveras d’dans un quarteron d’fromage, une douzaine de pommes d’not’ verger ben mûres, un d’mi cent d’noix toutes écalées et