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Criquet.

Ah oui ! parrain, ça m’f’ra une belle jambe, ça, qu’vous pensiez à moi… quand j’s’rai au milieu de tout c’fracas d’pistolets, d’fusils, d’canons, brrrrrr !…

Robert.

Voyons, voyons, Criquet, que diable, tu es un homme à la fin !

Criquet.

Dame !… j’dis pas… mais tiens, vois-tu, Robert, quand j’pense qu’il faut quitter parrain Lefuté, ma grosse Rose, mon chien Zozor et pis… et pis… (avec un gros soupir) et pis c’te pauvre chère Caillette… ah ! ah ! ah !

Robert (riant).

Caillette ?… Qu’est-ce que c’est qu’ça, Caillette ?…

Criquet.

Eh ben !… tu sais ben, Caillette !… notre vache ? Sitôt qu’a m’voyait v’nir le matin, alle riait d’plaisir. Tiens, Robert, d’pis que c’te chère bête sait que j’sis pour partir pour c’te maudite Carmée… alle mange plus, a fait des reniflements, des gémissements qu’ça m’en donne comme des combustions dans l’estomac.

Robert.

Tiens, tiens, Criquet, tout ça, c’est des bêtises, faut laisser l’chagrin d’côté… viens chanter avec tes amis… viens boire un bon verre de vin avec les amis, et après, tu partiras joyeux.

Criquet.

Oh ! pour ça, non, Robert, jamais !… J’sis trop abasourdi… et pis j’te d’mande un peu… qui qui m’ont fait ces Russes pour que j’aille me faire tuer dans c’te coquine de Carmée ?… Ah ! jarnigoy ! j’ai pas une goutte de sang dans la tête !

COUPLETS.

Queu douleur ! faut que j’aille.

Vivre loin du pays !
J’aimons pas la bataille,
Car j’nons pas d’ennemis.