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musulmans ; … je ne sais ce que devint le capitaine ainsi que son équipage… Après quelques jours de repos, un homme me conduisit au sérail et me présenta au seigneur Marécot, premier ministre du pacha. Il parut touché de mon malheur ; ma jeunesse, ma figure parurent faire une certaine impression sur ce brave homme ; il me fît endosser des vêtements turcs, me présenta au pacha comme son neveu, lui raconta à ce sujet une fable ; le pacha m’accueillit bien, me fit pour ainsi dire son favori et voilà pourquoi aujourd’hui, on m’appelle l’esclave bien-aimé du pacha. Mais je te le demande, Auguste, si tout se découvrait… tu connais le pacha, il n’y aurait pas de grâce à espérer et ton ami Victor ainsi que le brave Marécot serait mis à mort sans aucune forme de procès… Maintenant, Auguste, crois-tu que je n’aie pas lieu d’être triste ?

Auguste.

Je connaissais un peu de votre histoire par une conversation que vous eûtes un jour dans le jardin du palais avec le seigneur Marécot. Mais, encore une fois, le pacha vous aime beaucoup, vous le charmez par votre talent pour la musique, vous êtes admis dans l’intérieur du palais, ce qui n’est guère permis à aucun esclave ; moi-même, français comme vous, je jouis d’une certaine liberté, grâce à vous ; vous fûtes aussi touché de mon malheur que je vous racontai Mon père, ma mère, massacrés par les pirates, et moi, vendu comme esclave, assujetti aux ouvrages les plus durs !… Encore une fois, Victor, c’est à vous que je dois d’être délivré de mes maux ; le pacha m’a mis près de vous pour vous servir et vous avez bien voulu que je sois votre ami.

Victor.

(Lui prenant la main.) Non pas un ami, Auguste, mais un frère !… Que le Ciel écouté ma prière et tout me dit qu’un jour nous serons libres et que nous reverrons la France !

Auguste (regardant au fond).

Ah ! mon Dieu ! que nous veut le seigneur Marécot, d’où lui vient cet air consterné ?