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NOUS VIVONS DE CHARITÉ


C’était en 1870. Mon père s’était laissé monter la tête par un déserteur allemand, qui lui avait fait accroire que, tous les hommes étant à la guerre ou ayant été tués, l’Allemagne manquait de bras. Quand il s’agissait de voyager, mon père perdait tout discernement. Il nous annonça donc qu’il allait partir pour l’Allemagne, où certainement il trouverait vite du travail bien rémunéré, et qu’il nous ferait venir : il s’était engagé dans un cirque allemand pour faire le voyage gratis. Il avait ses hardes dans un sac et, les larmes aux yeux, nous quitta.

Nous étions tous plus morts que vifs de cette fugue que rien ne justifiait, car mon père avait du travail, et il était à peine parti que le déser-