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voisine. Sur l’impasse, donnait la porte de derrière d’une maison du Nieuwendyk : on l’ouvrit, et on nous permit de déposer dans un couloir quelques objets et les enfants.

La chambre vidée, l’huissier la ferma. Nous étions sans demeure en plein hiver, avec neuf enfants, dont un à la mamelle, et cela pour une dette de quatre florins.

Quand le berceau fut dans le couloir avec tout ce qu’on pouvait y remiser, ma mère me dit de garder les petits, qu’elle irait chercher un gîte pour la nuit. J’ai perdu le souvenir de ce que fit mon père. Ma mère resta très longtemps absente. Il commençait à faire noir dans ce couloir, où on nous laissait sans lumière, par crainte d’incendie. Quelques-uns des enfants pleuraient de faim et de froid ; d’autres s’endormirent dans des coins, sur le carreau. Moi, je berçais le bébé dans mes bras, mourant de frayeur et d’inquiétude. Je sanglotais ; de temps en temps, j’appelais à haute voix ma mère, puis n’osais plus bouger de peur des revenants, dont elle nous avait conté les exploits. Enfin elle arriva : tous les enfants se mirent à crier à la fois. Aidée par une des servantes de la maison, ma mère nous emmitoufla le mieux qu’elle put. Mon frère Hein dormait si profondément qu’on ne parvint pas à le ré-