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passion durait jusqu’à la catastrophe prochaine, qu’il accourait, affolé et hors d’haleine, nous annoncer en bégayant.

Kees désirait un cerf-volant acheté au bazar.

— Car ceux que je fais moi-même, disait-il, ne veulent jamais monter : les queues sont trop lourdes. J’aime qu’il souffle dedans et que cela fasse : Houhouououououou… ! Alors c’est comme un moulin à vent qui tourne ; puis, quand il monte bien, il vous tire, et on a la sensation qu’il va vous enlever. J’ai souvent souhaité être queue de cerf-volant, pour me sentir balancé là-haut dans les airs.

Le dimanche, très tôt, Kees allait au coin de notre canal, à l’échoppe du commissionnaire Barend. Quand il faisait beau et qu’il y avait de la brise, Barend, dès le grand matin, dévidait lentement la corde de son cerf-volant, du bâton auquel elle était enroulée. En manches de chemise propres, le pantalon tiré très haut sur bretelles, la casquette noire garnie de deux petites floches sur le devant, les oreilles percées de menus anneaux d’or, le brûle-gueule en terre de Gouda à la bouche, il avait son air du dimanche : de vieille haridelle étrillée.

Kees tenait le cerf-volant des deux mains, aussi haut qu’il pouvait.