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messagerie. Ils avaient cinq enfants, étaient bien mis et habitaient un rez-de-chaussée. Mademoiselle Rendel faisait le matin son ménage, et sortait invariablement les après-midi, habillée d’une robe de barège gris sur une large crinoline, et d’un châle noir à bordure violette, qu’elle attachait devant par une grande broche à camée, ramenait dans la taille en croisant les mains dessus, et dont la pointe, derrière, rasait terre. Elle portait un chapeau à bavolet en satin gris, avec des brides violettes nouées sous le menton par un nœud à longs bouts pendants ; des repentirs poivre et sel sortaient du chapeau, de chaque côté des tempes. Ses bottines trop grandes, sans talon, étaient en lasting et lacées sur le côté ; elle avait un sac en drap noir au bras, des gants à un bouton recousus aux extrémités, et un mouchoir blanc déplié en main. Dans cette tenue respectable, Mademoiselle Rendel passait au milieu de la rue, en saluant les voisines avec de jolies inclinations de côté. Elle allait voir ses anciennes amies et revenait le soir, son sac rempli ou avec des paquets dissimulés sous le châle, et elle pouvait, le lendemain, payer ses petites dettes. Elle me reçut très aimablement et me demanda si ma mère avait déjà acheté un bébé.

— Mais non, Mademoiselle, ma mère ne fera