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— Tu vois, j’en étais sûre, elle a entendu et voulait nous empêcher de partir.

Mon père se leva d’un bond, s’habilla en quatre mouvements, et se sauva sans attendre le café.

Vers midi, en « jouant école » avec les enfants, je les avais tous assis sur le seuil ; mais ma mère ne sortit pas.

Puis j’attendis anxieusement le soir. Quand mon père rentra enfin, je me jetai avec un grand cri dans ses bras. Il me souleva silencieusement, me garda sur ses genoux, puis en me caressant les cheveux, et la voix rauque, il parla :

— Keetje, je suis souvent si fatigué, et, quand on vient alors nous injurier comme hier, je ne sais plus ce que je fais.

— Père, dis-je, laisse-moi dormir cette nuit entre ma mère et toi ; j’aimerais tant, puis-je ?

— Oui, ma Keetje, oui, ma « Poeske », et avec ta poupée, n’est-ce pas ?

— Non, père, murmurai-je, avec vous deux seuls.

J’étais indéfinissablement heureuse.