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J’entendais tout cela de mon lit. Je fus prise d’une folle terreur. Je voulais éveiller mes frères et sœurs pour les prévenir, ou aller supplier mes parents de ne pas nous quitter, mais je n’osais, de crainte des coups. Je rampai sur le ventre jusqu’à la porte, et me couchai en travers afin de les empêcher de partir.

Mes parents, ayant perçu quelque bruit, se turent. Ma mère dit :

— C’est Keetje ; elle aura entendu : après des scènes comme ce soir, elle ne dort jamais.

— Mais non, fit mon père, ce sont les rats.

Puis il appela :

— Keetje, Keetje !

Je ne bougeai pas.

— Ils dorment tous, reprit-il. Si tu veux, tu viendras me rejoindre demain à midi à l’écurie, et nous partirons. Comme c’est jour de paie, nous aurons un peu d’argent pour prendre le bateau et aller loin d’ici.

— Non, non, jamais je n’abandonnerai mes petits.

Ils se turent.

Je m’endormis vers le matin, étendue devant la porte. Quand ma mère se leva pour préparer le café de mon père, elle me trouva là.