Page:Doff - Jours de famine et de détresse, 1943.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mit trois étages de papillotes, et, le matin même, on tourna chaque boucle sur un bâton, en la mouillant de café sucré pour la tenir raide : cela me faisait une chevelure toute brune, à moi qui étais blond épi.

Je m’habillai de grand matin et, frissonnante d’être aussi belle, je me rendis à la cure avec ma mère. Je la précédais de deux pas, tenant de la main gauche un petit mouchoir de mousseline déplié devant moi, et de la main droite mon livre de prières.

Toutes les fillettes étaient un peu pâles d’être à jeun ; moi, cela ne me faisait rien, j’étais entraînée. Nous nous montrâmes toutes, riches et pauvres, nos robes, nos souliers, jusqu’aux jupons : pour ma part, tout mon orgueil allait aux petites floches de mes bottines, et je relevais continuellement ma robe sur le devant pour qu’on les remarquât.

Le curé était parvenu à m’effrayer très fort. Il avait dit que celles qui n’étaient pas sincères auraient certainement une maladie le jour de la communion ou tomberaient mortes en s’approchant de la Sainte Table ; puis qu’il fallait laisser fondre l’hostie, car si on la mordait, le sang nous sortirait de la bouche.

Je ne pouvais prendre aucun goût à la reli-