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déjeuner, et la sœur me laissa partir. Mais la seconde fois, voyant que je n’avais rien apporté, elle m’appela et je dus avouer notre misère. Cette pieuse fille, mais peu psychologue, s’adressa aux enfants, en disant qu’une de leurs petites camarades n’avait rien à manger, que celles qui avaient trop de tartines devaient lui en donner.

Je me trouvai à côté de la sœur, tremblante de honte et de mortification. Je préférais la faim, ça me connaissait : la faim est silencieuse et, si vous savez vous taire également, elle vous détruit en douceur. Mais ces petits anges, à qui on faisait appel, me terrifiaient. Je déclarai à la sœur que je n’avais besoin de rien, que ma mère était sortie quand j’avais dû partir pour l’école, et que je mangerais le soir.

Je lui avais confié tout bas notre détresse, mais ceci, je le disais haut pour être entendue des autres.

La sœur ne le prit point ainsi : elle me traita d’orgueilleuse et de menteuse, ajoutant :

— Il n’y a aucune honte à avouer sa pauvreté, et vos petites camarades vont montrer qu’elles sont meilleures que vous.

Il y en eut qui m’apportèrent une croûte ron-