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dres des canaux de la ville, et aurait ainsi vogué doucement jusque dans le Canal des Seigneurs ; là, un gentilhomme, avec des dentelles à ses habits, l’épée au côté, serait monté dans la barque, m’aurait éveillée et conduite dans la belle maison sur l’escalier de laquelle je jouais.

J’aurais préféré cependant être réveillée par une jeune dame blonde, à qui j’eusse tendu les bras en ouvrant les yeux.

Quelquefois la porte de la maison s’ouvrait, laissant passer une vieille dame à crinoline, au chapeau à bavolet, à la figure placide encadrée de bandeaux pommadés et de repentirs gris. Ou bien c’était une jeune femme habillée, à la dernière mode, d’un paletot sac sur la jupe grise, collante du haut et s’évasant dans le bas en une traîne qui balayait le pavé ; elle était coiffée d’un gros chignon à bouclettes et d’un tout petit chapeau rond piqué sur le devant ; de grandes boucles d’oreilles en jais se balançaient au bout des lobes allongés ; elle avait en main une minuscule ombrelle de soie verte, bordée d’une frange, et dont le manche en ivoire était replié.

Les dames me laissaient ordinairement sur le perron, en disant un aimable :

— Tu joues, petite fille ?