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bien qu’un homme entra, nous regarda avec antipathie, se déshabilla sans gêne et se coucha ; il jurait chaque fois qu’un des petits toussait ou pleurait. Vers le matin, ma mère se mit à torcher, laver et habiller les enfants pour l’arrivée à Amsterdam.

Le Bureau de bienfaisance n’avait payé que notre transport, comme pour les tonneaux d’huile et autres denrées. Il nous avait fait coucher à terre, telles une chienne et sa portée, et ma jolie mère, avec son nourrisson au sein, n’avait pas reçu une tasse de café… rien… rien…

C’est ainsi que, grelottants et pâles de froid et de faim, nous arrivâmes par l’Amstel à Amsterdam, où mon père nous attendait sur les écluses. Pendant que la barque se trouvait arrêtée par la manœuvre, on nous hissa sur les passerelles. Il n’y avait de garde-fou que d’un côté, et, sur ces planchettes, mon père, toujours casse-cou, nous fit passer d’écluse en écluse jusque sur le quai. Puis, par les rues, les ponts et les canaux, il nous conduisit dans une impasse où il avait loué une chambre, au premier étage d’une masure.

Nous eûmes du café et des tartines, et on nous coucha sur de la paille, dans un placard noir et fermé.