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tenancière nous menaça de la police, et il finit par régler. À la sortie, la femme me cria :

— Sale guenille, je te ferai « carter », si tu oses revenir.

Ma mère m’attendait au boulevard ; quand je lui racontai la chose, elle resta pétrifiée.

— Que pouvais-je faire ? Que pouvais-je faire ? J’ai risqué d’être enceinte d’un inconnu, d’attraper sa sale maladie, on m’a insultée, et pour rien ! et les enfants, mon Dieu, les enfants !

— Si nous ne rapportons rien, ils mourront, dit ma mère.

Je pleurais, la figure contre un arbre. Mais la vision de nos enfants qui nous attendaient, me rendit toute mon énergie.

— Je vais continuer, dis-je ; mais tenez-vous donc plus loin : vous me suivez sur les talons.

Je n’avais pas de mouchoir et, en essuyant mes larmes de mes mains, je me barbouillais la figure.

J’entendis bientôt murmurer derrière moi :

— Petite, petite…

Je me retournai et vis un géant qui me suivait.

— Petite, viens avec moi.

Je le suivis.

Il me conduisit dans une autre maison, et me donna quelques francs d’avance.