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avait le visage enfiévré, et des clignotements d’yeux précipités qui accusaient son affolement ; moi, des vertiges me faisaient chanceler.

Ma sœur aînée nous avait quittés, et nous attendions mon père, parti dès le matin à la recherche de quelque chose à gagner. Il rentra ivre et demanda à manger.

Je regardais autour de moi sentant qu’un malheur allait arriver si on ne trouvait immédiatement une issue. Ma décision fut prise. J’allongeai ma jupe en traîne ; je tirai mes cheveux sur le front ; je m’ajustai le mieux que je pus, en regrettant de n’avoir pas de fard, comme j’en avais vu aux prostituées, et dis à ma mère que j’allais sortir. Elle voulut m’accompagner, pour rapporter plus vite les victuailles.

Une fois au centre de la ville, je lui recommandai de rester à distance. Bientôt un homme me fit signe de le suivre, et m’emmena dans une maison de rendez-vous. Quand, après, je lui réclamai mon salaire, il me demanda si je me moquais de lui.

— Pour cinq francs, je puis avoir une femme chic, et tu es fichue comme une mendiante et sale en proportion. Ouste ! laisse-moi passer.

En bas, il refusa de payer la chambre. La