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pêché par les voisins de l’étage au-dessus, qui recevaient des amis et s’amusaient à chanter, en tapant des pieds en cadence et en frappant avec des couteaux sur des verres. Il avait déjà, à plusieurs reprises, fermé son livre en jurant, quand on frappa à la porte. C’était la voisine qui venait inviter mes parents à partager leur divertissement.

— Je me disais : les voisins n’ont jamais rien ; ils lisent par ennui. Alors, si vous vouliez prendre part à notre plaisir ?

Mon père remercia, mais d’un ton légèrement hautain, où perçaient son mépris et sa mauvaise humeur de ce qu’on l’avait cru capable de s’amuser à de semblables vulgarités.

La femme se retira confuse.

Mon père était pris à la campagne d’une joie tellement émue que les larmes lui montaient aux yeux ; jusqu’au coassement des grenouilles dans les mares l’intéressait, et, quand nous voulions leur jeter des pierres, il nous disait :

— Vous allez interrompre leurs causeries, et elles s’expriment si bien, dans leur langage ! Elles font ménage comme nous, ont des enfants, mais ne doivent pas avoir autant de misère, car elles ne seraient pas si gaies.

Après ma neuvième ou dixième année, je ne