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Comme je faisais un mouvement de recul, il me lâcha et dit :

— Voyons cette poitrine.

Et il me mit nue.

Il m’assit sur le divan, puis me parla :

— Tu as la poitrine très faible. Cela pourrait tourner mal, si tu ne te soignes ; et prends bien les médicaments que tu trouveras toujours ici.

Je le compris parfaitement.

Je mourrai si je ne me soigne pas. Me soigner c’est prendre ces médecines que je ne peux pas me payer, et que lui me donnera en échange de ma peau.

Et puis, eux, à la maison, que deviendront-ils, si je meurs ? Déjà maintenant je sens tout chavirer ; que sera-ce sans moi ? Nos enfants, si bons, si intelligents et si beaux sombreront sans merci. Klaasje, mon petit lézard, a déjà été en prison ; et ma mère, autant que les enfants, a besoin de mes révoltes pour ne pas laisser tout s’en aller à la dérive.

Je n’aimais plus ma mère, mais j’en avais pitié, maintenant que je jugeais mieux.

N’avait-elle pas mis neuf enfants au monde, dans le plus affreux dénuement ? Elle serait morte de faim dans ses couches, si les voisines ne lui avaient apporté parfois une tasse de café