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encore. L’Allemande gémissait de plus en plus bas :

Ich will nicht sterben, ich will nicht sterben !

L’émotion me gagna, je me mis à pleurer. Je savais un peu d’allemand ; j’allai à son lit et lui demandai si je ne pouvais rien pour elle. Elle me saisit la main, comme affolée ; la langue déjà alourdie, elle répétait :

Ich will nicht sterben : der Kleine lebt, ich muss leben für ihn[1].

Je restai près d’elle. Elle mourut au matin.

Au bout de six semaines, je me sentis assez retapée pour repartir. Ma mère était encore venue me dire que mon père avait juré de me tirer de là par les cheveux, si je ne rentrais pas ; mais le chef de service avait tenu bon.

Le matin de ma sortie, il me manipula, longuement, me recommanda de continuer à prendre le sirop de Vanier et [a quinine. Je lui répondis que je ne pourrais pas me les procurer.

— Viens chez moi, je te les procurerai.

Je fus chez lui le lendemain. Il me fit attendre que tous les clients fussent partis. Quand j’entrai dans son cabinet, il poussa le verrou et me prit dans ses bras ; ses mâchoires claquaient.

  1. Note wikisource : « Je ne veux pas mourir : le petit est vivant, je dois vivre pour lui. »