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nous aperçûmes des bandes de masques, qui dansaient en rond et hurlaient à tue-tête.

Nous rentrâmes vite à cause du froid. Une accouchée allemande clamait :

Ich will nicht sterben, ich will nicht sterben[1] !

Elle me donnait la chair de poule.

— Mon Dieu, Toinette, elle souffre tant !

— Si tu veux ne jamais rire, parce qu’on geint ici, tu claqueras toi-même.

Une autre jeune malade s’était levée, et, à nous trois, nous dansâmes une polka.

Dans le corridor, la sœur et la servante venaient pour la ronde ; nous n’eûmes-que le temps de filer derrière les lits et de gagner le nôtre.

La sœur s’avançait comme en glissant. Sa lanterne répandait devant elle un peu de clarté floue, qui se reflétait, en vacillant, sur sa figure délicieusement douce, ennuagée par la coiffe blanche.

La servante, emmitouflée dans un châle, emboîtait le pas.

La sœur leva sa lanterne devant plusieurs lits. Près de l’accouchée qui haletait : « Mon ventre, mon ventre ! » elle s’arrêta, arrangea les couvertures, dit quelques mots sur un ton placide, et passa.

  1. Note wikisource : « Je ne veux pas mourir, je ne veux pas mourir. »