Page:Doff - Jours de famine et de détresse, 1943.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Folle de lecture, et désespérée de ne savoir lire le français et de ne pouvoir trouver des livres hollandais, j’avais racolé de droite et de gauche quelques livres flamands. Il en était qu’à défaut d’autres, j’avais lus dix à douze fois, comme « La Tombe de Fer », de Henri Conscience. Je m’étais ainsi composé une petite bibliothèque, que je dévorais sans relâche. À plusieurs reprises, j’en avais âprement défendu la vente ; mais ce jour-là, j’empilai tous mes bouquins dans un panier, et j’envoyais ma mère les vendre à la Galerie Bortier. Je croyais, comme pour ma robe de première communion, que nous allions avoir un gros prix de ces vieux livres, qui étaient tout pour moi.

Pendant que ma mère était partie les brocanter, la locataire principale monta chez nous, essoufflée.

— Mademoiselle, dites à votre mère que je lui ouvre un nouveau crédit. Je sais que vous êtes, depuis plusieurs jours, sans manger. Eh bien, j’ai offert une tartine à votre petit Klaasje, et il l’a refusée en disant : « Merci, Madame, je viens de manger ». Je sais que cela n’est pas, et il est si petit !