Page:Doff - Jours de famine et de détresse, 1943.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


SYMPHONIE DE LA FAIM


Nous avions tous des nausées de faim. Je n’étais pas sortie, ne sachant de quel côté me diriger. Mon père était fini, avachi ; nous ne le voyions presque plus ; il vagabondait à droite et à gauche, incapable de tout travail sérieux. Hein et Naatje discutaient le truc à employer pour se rassasier d’une seule petite tartine. Naatje prétendait qu’il fallait la grignoter en rond, garder en bouche le dernier morceau, grand comme un « cent », et l’y laisser dissoudre.

— Non, répliqua Hein, tu n’y es pas. Manger lentement donne plus faim ; moi, quand je veux me rassasier d’une tranche de pain, j’avale les morceaux presque sans les mâcher : on a bien mal à la tête après, mais on a moins faim.