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fut moi, blême de honte ; il me regarda, cracha sa pièce, et se sauva à toutes jambes, en retournant la tête pour voir si je le suivais.

Voilà donc où nous en sommes dans ce pays étranger, où nous mourons littéralement de faim ! Je rentrai chez nous, décomposée. Mon premier mot à ma mère fut :

— Pourquoi Kees n’est-il pas à l’école ? je l’ai trouvé dans la rue, faisant des tours de saltimbanque, pour de l’argent. C’est votre faute, si les enfants croulent tous : quand il faut chercher un petit seau de charbon, ou garder le linge sur la prairie, vous les tenez hors de l’école. Et Dirk ? Avez-vous cherché un atelier pour le mettre en apprentissage ?

— Non, je ne suis pas allée : il est trop petit.

— Mais il a quinze ans : les petits doivent vivre comme les grands. Faites-en un cordonnier ou un tailleur. Ce n’est pas un lourd travail comme celui de notre Hein chez son forgeron.

— Fiche-moi la paix ! tu es comme ton père : tu veux faire travailler les petits enfants pour garder ton argent, quand tu en gagnes.

— Je suis à la même enseigne qu’eux : je ne sais pas de métier. Vous nous avez flanqués dans le monde pour nous laisser pousser comme de