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dans notre sous-sol, je trouve ma couche occupée par l’enfant, chez qui s’était déclarée une variole noire. Sur deux chaises accolées au canapé, mon frère Dirk, qui avait treize ans, était étendu avec le petit, figure contre figure sur le même oreiller : il lui tenait les mains pour l’empêcher de se gratter, et inventait des histoires afin de le distraire.

Klaasje était un enfant d’une rare beauté. Je l’appelais mon petit lézard, pour l’habitude qu’il avait de se cacher sous les meubles, lorsqu’il avait été méchant. La pensée qu’il pourrait être défiguré, nous affolait tous.

Je me couchai sur le carreau, ne voulant pas monter près des garçons et des parents, et j’entendis Dirk raconter des histoires d’éléphants, qui s’étaient sauvés sur les tours de Sainte-Gudule pour échapper aux puces qui les harcelaient. L’enfant demanda, la langue épaissie par l’inflammation, où les puces pouvaient mordre les éléphants, puisqu’ils ont une grosse peau partout. Dirk était attrapé : il se tut un instant, puis répondit :

— Dans le cul.

Le petit fut pris d’un fou rire si communicatif que nous nous tordîmes tous. Il dit alors, parlant de plus en plus difficilement :