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pagne jusqu’au lendemain. Je revins vers mon frère, la figure décomposée. Qu’allons-nous faire ? Retrouver la famille grouillant à côté de ce camion, comme des saltimbanques auprès de leur roulotte ? Ah non ! tout notre être se rebiffait à cette seule idée.

— Il ne nous reste, dis-je, qu’à nous promener toute la nuit : il fait chaud, cela ne sera rien.

Nous nous acheminons vers le Parc. Nous y fîmes des tours et des tours, et comme la température était très douce, je proposai de nous laisser enfermer. À cette époque, le Parc n’était pas éclairé ; il y avait concert au Waux-Hall ; la foule commençait à s’écouler ; un « garde-ville » était posté à chaque sortie. À voir partir le monde, je pris peur, et craignis que les agents ne fissent une ronde, pour s’assurer que personne n’était resté. Nous sortîmes donc avec les autres et nous nous mîmes à errer par les rues.

Nous commencions à être éreintés et à avoir très faim. Puis la frayeur me vint d’être ramassés par la police.

— Mon Dieu ! Hein, si nous demandions asile au commissariat ? Cela vaudrait mieux que de nous faire arrêter : j’en mourrais de peur et de honte, car on est souillé pour la vie quand on a