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enfant le mieux qu’elle pouvait, partait se promener de long en Iarge dans la rue où habitait une des voisines ou des tantes qu’il s’agissait de faire fondre d’envie, et elle balançait la croupe et jouait avec l’enfant en affectant de ne voir personne ; mais, du coin de l’œil, elle observait tout et venait nous raconter comment la tante avait écarté légèrement le petit rideau en se cachant, puis avait envoyé la petite cousine Kaatje pour bien détailler la toilette de ma mère, et que bien sûr la tante avait verdi de dépit de les voir, elle et son enfant, si bien attifés.

Ma mère était cependant fort bonne et, malgré sa grande misère, je l’ai vue prêter à ces mêmes voisines sa robe du dimanche pour la mettre au clou. Quand on lui témoignait un peu de sympathie, elle se donnait tout à vous, trop même, et passait ses journées chez les autres, en lâchant le ménage et les mioches. Elle était plus rusée qu’intelligente et aurait en somme dû être une poupée de luxe : elle en avait toutes les aptitudes.

Elle chantait toujours, en nous berçant dans ses bras, des louanges à la Vierge : « Marie, Reine des cieux ! » Puis il y était question de « robes de soie bleue ». Je ne l’ai entendue chanter que lorsque j’étais petite : plus tard, la mi-