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Je dis à ma mère de venir le lendemain, à neuf heures, dans la grande allée du Parc, et nous partîmes. Hein portait un petit complet de coutil écru, très propre ; moi, j’étais assez bien mise. Hein, qui travaillait chez un forgeron, recevait cinquante centimes pour son dimanche, et voulait, comme il faisait toujours, acheter des boules de sureau : il en avait cent pour ses cinquante centimes et en suçait toute la journée ; mais cette fois, pour ne pas rester sans manger, je lui conseillai d’acheter des petits pains, ce que nous fîmes. Comme d’habitude, je n’avais pas un sou.

Dans le peuple, les frères et sœurs se connaissent en somme peu, après les années d’enfance : les garçons vont à l’atelier, les filles travaillent de leur côté, et l’on se voit et l’on se parle rarement.

Je fus donc étonnée de trouver mon frère si gentil, de l’entendre rire si naïvement, et faire des réflexions si justes et si fines : je fus vraiment très heureuse de nous sentir aussi bien ensemble.

Nous allâmes au Jardin Botanique manger nos petits pains. Puis je m’en fus chez un brave peintre allemand, à qui je voulais raconter notre mésaventure et demander de nous procurer un logement pour la nuit ; mais il était à la cam-