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honte, surtout que la joie de toutes ces femmes, vieilles et jeunes, était réelle.

Cela dura ainsi quatre jours. Le quatrième, au goûter, je ne pus manger mes tartines : elles les avaient trempées dans cette immonde eau vitriolée.

— Je m’en vais, leur dis-je. J’en ai assez : un être humain ne peut vivre parmi vous.

Elles demeurèrent quelque peu baba. Une des plus âgées déclara :

— Quand j’ai vu entrer cette petite, j’ai senti qu’elle ne resterait pas : elle n’a rien à faire ici. Regardez-la donc avec son médaillon, et ce ruban dans les cheveux !

Je me rendis au bureau auprès du contremaître : un petit homme rêche, et lui demandai mon compte ; j’ajoutai qu’il m’était impossible de rester au milieu de cette racaille.

— Eh bien ! allez-vous-en, mais je ne peux vous payer que le samedi soir à sept heures.

C’était dit sur un ton hargneux, qui m’étonna. Le samedi, je revins, avec ma petite sœur Naatje, recevoir le salaire de ces quatre jours. Dans la cour de la fabrique, toutes les femmes étaient assemblées pour la paie. En m’apercevant, elles commencèrent à ricaner, à me pousser, et une me tirait ma tresse, quand accourut le