chanter en chœur, ou de raconter des anecdotes de sa vie de soldat, alors qu’il était trompette, avait un beau cheval et que, pendant que les autres étaient en ribote, il raccommodait les bas de tout le régiment pour pouvoir louer des livres. C’était la seule époque de bonheur qu’il avait eue dans la vie.
Ma mère, d’origine liégeoise, était petite et brune, d’une joliesse piquante, extrêmement fine et bien prise, lisant des romans d’aventure, mais n’en ayant jamais eu dans la vie. Elle préférait le luxe au confort, et, à cause de son éducation sommaire, cela se manifestait par un bonnet à fleurs rouges et blanches sur une chevelure mal entretenue, ou des souliers vernis sur des bas troués. Sa joie était de sortir avec Mina, ma sœur aînée, pour aller voir les magasins, de choisir aux étalages des toilettes magnifiques pour nous tous, de se griser là-devant, et de discuter le goût et le choix, comme si c’était arrivé. Toutes deux rentraient la tête en feu, et continuaient la discussion devant une tasse de café sucré.
Une des grandes attractions de ces belles choses eût été de faire enrager les voisines et les tantes. À défaut de ces élégances, quand ma mère avait un bonnet neuf ou une robe achetée au décrochez-moi-ça, elle habillait le plus petit