Page:Doff - Jours de famine et de détresse, 1943.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Non plus.

— Vrai ! vous en êtes, une pratique. Nous y allons, nous, à la messe.

J’entendis chuchoter : « C’est une Juive ». Celle qui m’avait fait chanter n’en revenait pas, tant elle était écœurée de mon chant.

— Ça, chanter ! Zut ! Écoutez : moi, je sais chanter.

Elle se campa, les deux poings sur les hanches, la tête relevée de façon que la lumière joue jusqu’au fond de ses narines dilatées et la bouche démesurément ouverte, elle gueula d’une voix de poitrine, poussée en pointe :

— « Ah ! haha ! men lief is no den Russ » ; etc. Des « Ça est bien ! » accueillirent son chant et ses gestes.

— Voilà comment on chante chez nous. Tout le monde comprend cela, tandis que ce que vous avez miaulé…

Une moue acheva sa pensée. Inutile ! Elles me détestaient d’instinct.

On m’avait envoyée, dans un autre atelier, chercher des sacs de laine. En traversant la cour, je croisai un vieux monsieur qui me dévisagea, puis me suivit. Dans l’escalier, il me parla en français, mais je ne comprenais pas. Il me fit