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ger, qu’au moins on mangeait bien, qu’il avait eu quatre petits pains. Moi, je n’avais rien pris : j’avais la gorge serrée et l’estomac fermé, et chez nous, on ne demandait jamais si on voulait manger : on ne donnait qu’à celui qui réclamait.

Dans les écluses de Hansweert, des Zélandaises descendirent sur le bateau pour vendre des cerises. J’en aurais bien mangé, des cerises, si seulement j’avais eu quelques « cents » pour en acheter. Je n’avais jamais vu le costume zélandais, et fus tout à fait séduite par le beau bonnet de dentelle, à larges ailes, et les ornements d’or attachés de chaque côté des tempes. Le riche collier en corail et le corsage à fleurs brodées, m’attiraient spécialement. J’aurais voulu être paysanne zélandaise pour pouvoir m’habiller ainsi ; même l’amoncellement des jupes, qui les faisait rondes comme des cloches, me plut. En remontant l’échelle, une des Zélandaises eut sa jupe soulevée par le vent, et l’on vit qu’elle ne portait pas de pantalon. Ah ! la joie que cela provoqua ! Je fus surtout écœurée des rires des femmes, parmi lesquelles ma sœur Mina qui s’était fait offrir des cerises ; je lui jetai entre les dents : « Salope ! »

À Anvers, mon père nous attendait sur le