belle toilette. Voyons, qu’y a-t-il ? Quelle est cette blague d’un oncle qui désire me voir ?
— Écoute, fit ma mère, Mina ne gagne plus rien ; tous ses vêtements sont au clou. Nous mourons de faim. Il y a un monsieur qui veut voir tes jambes.
— Ah non ! je ne veux pas !
— Je te l’avais bien dit : il n’y a rien à faire avec cette créature enfantine ! Allons ! les petits sont malades de faim.
On me mit une épaisse voilette pour cacher ma figure d’enfant, et ma sœur m’emmena. Je portais une robe de coton clair, toute sale de l’avoir traînée sur les perrons, en jouant avec les enfants durant ce long jour de sabbat, et un vieux chapeau de dame, mise-bas de ma patronne. Ce chapeau chiffonna la tenancière : elle craignait que son client ne pensât que j’avais déjà cascadé. Elle ne cessait de répéter :
— Mais quel beau chapeau ! tu l’as emprunté pour venir ici ?
Elle insistait tellement que le client, agacé, finit par dire :
— Mais non, cette guenille est bien à elle !
C’était un homme de cinquante à soixante ans, maigre, de grande allure. Il me mania fiévreusement, en s’exclamant :