me témoignaient beaucoup de sympathie, parce que j’étais douce et vaillante : une grande bonhomie régnait dans nos rapports. Nos poux même sympathisaient. Les juifs avaient des poux noirs, moi des blonds, et au bout de quelques jours, nous avions fait des trocs. Nous eûmes tous des poux noirs, blonds, et des métis châtains, mais aucun de nous ne s’offensait de ce libre échange ; nous les tuions, avec le pouce, sur le coin de la table, et éprouvions un plaisir féroce à les entendre craquer sous l’ongle.
Un soir de sabbat, j’allais me déshabiller pour me mettre au travail, quand ma mère vint. Elle demanda à la Juive si je ne pouvais sortir pendant quelques heures, ajoutant que mon oncle d’Allemagne était arrivé et voulait me voir avant de partir. Je devinais le mensonge. Au bas de l’escalier, attendait Mina habillée en traînée, les cheveux coupés court et frisés au fer comme ceux d’un acrobate, le visage camard grossièrement fardé de blanc et de rouge. Je me fâchai, disant que je ne voulais pas qu’on vînt me faire honte chez mes patrons. Elle me répondit que je devais être plutôt flattée qu’une sœur si bien mise venait me voir.
— Oui, mais ton air de grue, et la gueule de clown que tu t’es faite, en disent long sur ta