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Ma sœur m’avait, une fois, conduite dans cet endroit. J’avais quinze ans. J’étais blonde et fraîche, un vrai poulet de grain. Je n’avais guère de chair, mais une fine peau gaînait une charpente des plus flexibles, une petite croupe haute et étroite, deux tétons menus comme de gros bourgeons, où la sève montait lancinante et que je protégeais d’instinct de mes deux mains.

La tenancière avait insinué que des petites comme ça étaient fort demandées. Oh ! rien que pour montrer leurs jambes à de vieux messieurs tout à fait respectables. Rien, rien à craindre ! J’avais été très indignée quand j’eus compris ce que ma sœur était devenue et où elle m’avait conduite, et je l’avais traitée de putain.

J’étais, à cette époque, en service chez des diamantaires juifs, qui, pendant une longue crise de l’industrie du diamant, s’étaient faits marchands de vieux habits. Le ménage se composait d’une dizaine de personnes : tout cela grouillait dans une grande chambre et un réduit ; on faisait, le soir, les lits par terre. L’argent qu’ils gagnaient passait à la nourriture, de préférence des douceurs, et à des toilettes voyantes. J’étais chez eux comme un enfant de la maison et dormais avec les deux fillettes de mes patrons. Tous