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journée, qui geignait de devoir travailler pour les autres. Je lui ai dit : « Tu travailles pour les autres ? Moi pas : je travaille pour gagner ma vie. Crois-tu que je mettrais un seau d’ici là pour cette usurière qu’est notre patronne, si elle ne me payait pas ? plus souvent ! » Donc, je travaille pour gagner ma vie ; mieux je travaille, mieux je dois être traitée, et je travaille de mon mieux. J’avais prévenu la patronne, et comme, ce soir encore, elle nous a donné des pommes de terre visiblement tripotées, je suis partie sans vouloir manger.

— Eh bien ! tu pourras te coucher sans souper, et te lever sans déjeuner. C’est incroyable, quand on a à manger, de demander davantage.

— Mon Dieu ! père, je n’irai pourtant pas vider les vases de cette ignoble vieille, et encore être son obligée ! Je travaille, elle me paye : nous sommes quittes ; mais je ne veux pas être payée avec des reliefs.

— Voilà, c’est la nouvelle souche qui parle ainsi : nous ne pensions pas à tout cela. Je haussai les épaules et j’allai m’asseoir avec le petit. Le chat me sauta sur la nuque et s’y installa ; le bébé s’endormit. Au bout d’une demi-