Le lendemain, mon père rentra avec deux bouteilles de vin : on en déboucha tout de suite une. C’était du vin couleur… jus de choux rouge… Il en versa une demi-tasse à ma mère, qui le but en contractant la bouche, comme si elle avait mordu dans une baie sauvage. Puis, avec une cuillère, il nous en donna à goûter. Il but alors à même la bouteille, la vida aux trois quarts, et claquant de la langue, il déclara :
— Cela n’a pas de goût : je préfère un « bittertje »[1].
Ma mère devint écarlate et eut des nausées : il fallut la soigner toute la journée.
Le vin ne put jamais s’acclimater chez nous.
Mina, en rentrant le soir, fit un signe à mon père ; il la suivit dans le petit couloir obscur qui précédait notre chambre. Quand ils revinrent, elle courut se frotter les jambes avec un torchon, en répétant :
— Hou ! hou !… sa peau pèle, sa peau pèle !
Le lendemain, mon père mit un bon gros pantalon, dont ma mère, en clignotant fiévreusement des yeux et en tressautant à chaque bruit, avait changé les boutons.
- ↑ Amer.